De la vallée de la Brévine au Bois des Lattes, de l'Etang de Gruère à La Rouge-Eau en passant par Le Lavoir et l'Etang des Royes, un parcours initiatique dans les tourbières du Jura, où poèmes et photos se répondent pour raconter les jeux d'ombres et de lumière de ces lieux envoûtants et secrets.
Un livre-balade : des poèmes captés entre verbe et silence, des images surgies du brouillard et de l'ombre, entre brumes et éclat, dans un étrange espace intermédiaire, hors de toutes certitudes. Et là, comme suspendus entre la terre, l'eau et le ciel, Yolande Favre à la plume, Rolf Ceré à la caméra se promènent au gré des sentes et des saisons. Ils ont vagabondé sans buts trop précis, déambulé dans les bruines, entre taillis et cariçaies, entre callunes et airelles, laissant voler le regard, ne forçant ni l'endroit, ni le moment. Laissant sa place à l'éphémère, sans trop cerner, laissant surtout l'espace de la lumière...
La lumière ici n'est ni contraire, ni opposée à la noirceur ou à l'ombre, elle s'y mêle et l'embellit, surprenante, paradoxale, en des jeux sans fin d'émergence et de rayonnements; de provenance souterraine, aquatique, végétale ou céleste, elle semble inhérente à chaque fibre, révélée par chaque contour, diffusée ou profonde, palpable et omniprésente comme nulle part ailleurs, rejetée, réverbérée, transformée, dissipée et réapparue, resurgie, silencieusement jubilatoire...
Il y fallait donc des mots effilochés comme ces lambeaux de brume qui flottent entre les pins, dissimulant puis dévoilant des havres cachés, des passages entrouverts dans les masses spongieuses, des mots blancs dressés comme les bouleaux, des paroles minimes comme les saules nains des berges, des paroles-roseaux qui bruissent entre l'eau et le vent...
un monde plus loin
la nuit s'affole
ici, la nuit se trouve le marais la déploie
lui entrouvre les ailes en muette initiation
sombre battement interminable et lent
ici, la nuit fusionne
l'eau l'air la décomposition et la terre
la beauté l'éphémère et la mort
la nacre et l'ambre noire
ivre de luisance la nuit ici se rejoint s'atteint s'attise
vole au temps sa maîtrise
voile au regard l'apparence transitoire et restitue
au marais ses demeures ses solitudes inconsolées