J'avais en moi les levers et couchers de soleil du bout du monde, là où trois mers se rencontrent, au milieu d'une foule joyeuse de pèlerins venus honorer la vierge Kanya, là où Gandhi prononça de mémorables paroles, où Vivekananda se retira pour méditer...
j'avais le berger dirigeant de sa barque et de sa gaffe son troupeau de quelque deux cents canards, tôt le matin sur un canal des backwaters
le paysan venant laver ses bœufs dans l'étang aux lotus roses d'Auroville
et les nénuphars bleu pâle de Koddaikanal, les rhododendrons géants et le petit musée aux papillons de Shembaganur,
j'avais des visages de rencontre aux yeux brillants et purifiés par l'incompréhensible métamorphose qui agit le long des routes torrides et sales, dans les chambres d'hôtel minables bouffées de vermine, "babas cool", routards, paumés, artistes, esthètes, historiens, simples touristes, voyageurs épuisés, épurés, allumés, délavés, délabrés, extatiques...